La psychanalyse a-t-elle réellement changé quelque chose à l'Amour ? Du moins en a-t-elle relancé l'énigme : qu'est ce qu'"un couple", en son réel inconscient ? Freud nous met en mesure, par sa "psychologie amoureuse" (Liebespsychologie), de saisir ce moment de la "passion" (Verliebtheit) et du devenir-amoureux. Evénement qui, on le sait, a trouvé dans l'"amour courtois" sa figure propre : quelque chose comme "l'invention du couple" a été là rendu possible, relance de la pulsion par l'obstacle qui exalte la "valeur d'affect" par idéalisation de l'objet. On s'est moins avisé de l'émergence, contemporaine de la psychanalyse, d'une nouvelle posture face à l'amour (dont Carl Spitteler témoigne), réactivant une certaine nostalgie courtoise : c'est ici une "lignée maudite" qui, des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos au Bleu du ciel de Bataille en passant par la Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch et les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly, est à réinterroger comme portant à l'expression une forme aussi intense que paradoxale de "conjugalité" qu'atteste une nouvelle version de la Dame.
La présente enquête, par une reconstruction de ce récit soutenue, en sa dramaturgie, par une lecture méta-psychologique, met à jour cette "autre scène", figure-limite de la passion qui en livre peut-être le secret. En cette "parodie tragique" de la légende de Tristan et Iseut, l'"idéal" se maintient et même s'exacerbe, mais en s'affrontant à l'épreuve du mal et de l'abjection. Ainsi piend corps un couple passionné, on (...) plus unvérieusement lié par un certain "objet" aussi insaisissable qu'irréductible, condition aussi obscure que tyrannique d'un "contrat". Conjuration instituant une "communauté, inavouable" (Blanchot) qui trauve dans la réinvention de Laure, dans le Bleu du ciel, sen point d'orgue. L'archéologie de la hantise postcaurtoise nous ramène ainsi à l'énigme du voutoir-femme, ici mise à contribution comme loi passionnée.