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«Je suis le seul à avoir compris que, pour conquérir l'Afrique, il faut d'abord humblement se soumettre à ses lois. J'ai renié ma foi, mon pays et ma race pour devenir un roi noir. Mes braves tirailleurs, qui rechignaient à accepter notre rude discipline, m'ont vu me transformer en un des leurs. Je n'étais plus le messager de la civilisation, j'étais un chef traditionnel capable de massacrer sans pitié les tribus qui refusaient de céder à mes caprices. S'ils m'ont aimé et suivi dans ma folle aventure, c'est parce que je les ai compris. Je leur ai offert une épopée digne de celles de leurs plus grands souverains, en abolissant toutes les règles d'une fausse morale. Le soir, à la halte, mes braves aimaient à ce que les griots chantent leurs exploits et glorifient leurs prouesses et les fabuleuses prises dont ils s'étaient emparés dans la journée. Lorsque je faisais mine de m'approcher, ils se taisaient, craignant les pouvoirs secrets dont ils me savaient investi et dont je pouvais me servir pour leur ôter leur force.»
La soudanite, ainsi surnommait-on cette fièvre mystérieuse, ce dérèglement des nerfs, qui frappait certains administrateurs et militaires coloniaux victimes des effets du soleil, de l'absinthe et de la solitude en Afrique noire, au XIXe siècle.
Ce roman a pour sujet l'un des plus beaux cas de soudanite jamais observés, où l'on suit l'itinéraire d'un officier en errance que ses troupes font roi.
Patrick Girard mène ainsi une réflexion sur la folie des maux qui accablaient, et frappent de nos jours encore, la partie subsaharienne du continent. Rien n'échappe à l'auteur dans ce portrait réaliste où le burlesque côtoie le tragique. D'une vivacité rare, l'écriture explore la violence, le désespoir de ces soldats perdus entre les pièges et les mirages d'une Afrique coloniale ensorcelante.