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Quelques pages ont suffi pour rendre célèbre le nom d'Émile Zola, fils d'un ingénieur italien qui fut lieutenant dans la Légion étrangère : en 1898, vers la fin de sa vie, il publie, à propos de l'affaire Dreyfus, sa fameuse lettre intitulée «J'accuse». Mais la grande affaire de son existence, c'est l'immense fresque des Rougon-Macquart, «histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire».
Liberté et progrès d'un côté ; science, hérédité, milieu, système, expérimentation de l'autre : voilà l'atmosphère qui règne dans les milieux intellectuels d'avant-garde vers la fin de l'Empire. Elle mènera Zola vers le réalisme et vers ce qu'on a appelé le naturalisme. La grandeur de Zola est de faire passer dans son oeuvre monumentale le savoir de son temps et d'apporter à ce travail de titan non seulement les fruits d'une large expérience politique et sociale, acquise notamment dans le journalisme, mais aussi et surtout le concours décisif d'un souffle romantique et d'un tempérament épique. La théorisation naturaliste serait partielle et courte sans ce souffle épique indifférent aux systèmes et aux étiquettes, et qui réussit à «trouver l'homme sous l'homme, et sous chacun de ses désirs, le monde entier qui rêve».
Nana, histoire d'une courtisane pourrie par une vérole qui symbolise la corruption de la fin de l'Empire, est un chef-d'oeuvre.
Jean d'Ormesson de l'Académie française