Méfions-nous de la nature sauvage

COLLECTION MÉTRO

« On reste avec les siens, qui vous ressemblent. Le dimanche voit se renforcer les liens familiaux, afin que les femmes ne coupent pas aux prochaines couches. Ces inconscientes n'appartiennent à aucun comité susceptible de parler en leur nom. Aussi des incompétents s'expriment-ils aujourd'hui à la télévision sur la vie de l'embryon qui veut sortir et connaître la vie ! Bien sûr la semence, c'est déjà la vie, d'ailleurs même le désert est vivant ! Seule la nature est morte. Ces protecteurs de la vie suent sang et eau pour arracher aux politiciens de marbre une larme pour ces êtres désarmés entre tous, incapables d'exister hors de la poche utérine. Mais c'est sans compter avec les défenseurs de la forêt : plus désarmé que l'embryon il y a l'arbre ! Qui ici dans sa chute a déjà bien souvent entraîné mort d'homme. C'est la vengeance que la nature exerce sur les inférieurs. Jamais encore aucun propriétaire de forêt n'a été écrasé par un tronc.»
Née en 1946, viennoise, intellectuelle féroce, auteur dramatique joué dans le monde entier, écrivain à succès (La Pianiste, Les Exclus, Lust, Les Amantes, Totenauberg), Elfriede Jelinek appartient à la lignée des grands satiristes viennois dont les représentants les plus célèbres furent Karl Krauss, Kurt Tucholsky et Thomas Bernhard. La vigueur de sa pensée et l'originalité formelle de ses oeuvres en font l'auteur majeur de sa génération.