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En 1921, Curzio Malaparte a 23 ans ; il s'appelle encore Kurt Erich Suckert et revient d'une année à Varsovie en tant qu'attaché d'ambassade, après quatre années de guerre sur les fronts italien et français. Médaillé des plus grandes batailles de la Première Guerre mondiale sur les deux fronts (Bligny et Col di Lana, entre autres), ce n'est pourtant pas le récit de sa geste héroïque qu'il nous livre dans Viva Caporetto !, mais celui de la guerre des millions de soldats italiens, simples fantassins, paysans pour la plupart, envoyés dans les tranchées du Karst pour défendre des territoires dont ils avaient ignoré jusqu'alors l'existence. Ce que Viva Caporetto ! raconte de la guerre, c'est le sacrifice absurde de jeunes gens courageux, l'entêtement stupide d'un état-major incompétent et, surtout, le fossé entre l'horreur de la tuerie et les mensonges d'une rhétorique patriotique écoeurante.
Le jeune Suckert parle pour ces soldats analphabètes qui ont accepté en silence une mort inutile. Contre la propagande officielle, il choisit Caporetto, gigantesque retraite des troupes italiennes sous l'avancée des armées autrichiennes, qui marque en octobre 1917 la crise militaire la plus douloureuse que l'Italie ait connu, pour emblème de l'héroïsme du soldat des tranchées et espoir de revanche d'un peuple méprisé.
Trois fois saisi et censuré entre 1921 et 1923, Viva Caporetto ! était une charge explosive contre la jeune Italie fasciste qui s'édifiait sur la mémoire d'une Grande Guerre victorieuse. Il fallut attendre la fin du XXe siècle pour redécouvrir en Italie ce pamphlet unique et insolite, par lequel le futur Malaparte signe son entrée en littérature. Il est traduit et publié en France pour la première fois.